
L’initiative, présentée par 15 députés en février dernier, a été rendue publique sur le site officiel de l’ARP jeudi 10 avril. Elle prévoit une réforme en profondeur du texte législatif, en réponse à un contexte social et sécuritaire en mutation.
Le bureau de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a transmis, jeudi 10 avril 2025, une proposition de loi à la Commission de la législation générale concernant la révision de la loi n° 52 du 18 mai 1992 relative aux stupéfiants. La proposition comprend 17 articles et a été déposée le 25 février par un groupe de parlementaires au nombre de 15, selon le document publié sur le site officiel de l’ARP.
Les raisons d’un amendement
Exposant les raisons de cette proposition, les parlementaires ont mis en avant la propagation du phénomène de la consommation et du trafic transfrontalier de drogues, ajoutant que ce phénomène est aujourd’hui instrumentalisé comme un levier de déstabilisation des États, en favorisant la propagation du chaos et de la criminalité au sein des sociétés. Il sert également de moyen de manipulation, notamment en enrôlant les jeunes dans des activités illicites visant à compromettre la paix et la sécurité des populations.
« Compte tenu de la situation actuelle marquée par des agressions contre les fonctionnaires, en particulier les agents de police et les postes de sécurité, qui sont menacés d’incendie et d’attaques terroristes en raison de la consommation de substances stupéfiantes, il est devenu impératif d’adopter des législations protégeant les institutions sécuritaires et souveraines ainsi que les agents contre les dangers liés aux dérives causées par la drogue ».
L’importance de la révision de la loi s’instaure dans ce cadre et « dans le but de développer tous les moyens disponibles pour infiltrer les réseaux de trafic de drogues, et de recourir à toutes les technologies modernes pour surveiller les déplacements de leurs membres ainsi que l’ensemble des activités qu’ils mènent », selon le texte déposé par le groupe parlementaire.
Le projet de loi propose en général « une augmentation de l’amende, tout en accélérant l’application de la peine de prison, soit en l’allégeant, soit en l’alourdissant, ou en maintenant les dispositions de la loi de 1992, selon les cas ». Cette proposition intervient « en réponse aux enseignements tirés de plusieurs décennies d’expérience dans la lutte contre la consommation et le trafic de drogues, en vue d’apporter davantage de précision et d’efficacité ». Elle vise également à « exploiter les moyens offerts par les technologies modernes pour faciliter la lutte contre ces crimes, en la rendant plus efficace et plus aisée, et ce, dans le respect des exigences de protection des agents chargés de l’application de cette loi ».
Quels sont les articles concernés ?
Le texte de proposition prévoit l’annulation de l’article 4 suivant de la loi 52 sur les stupéfiants : « Sera puni de l’emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de mille à trois mille dinars, tout consommateur ou détenteur à usage de consommation personnel de plantes ou matières stupéfiantes, hors les cas autorisés par la loi », et son remplacement par un nouvel article plus flexible pour les consommateurs sur le plan des pénalités infligées, mais plus répressif à l’égard des dealers et trafiquants.
« Est puni d’un emprisonnement de six mois à un an et/ou d’une amende de 3.000 dinars à 10.000 dinars, quiconque consomme ou détient à des fins de consommation personnelle une plante ou substance stupéfiante dans des conditions autres que celles prévues par la loi », selon le nouvel article 4 proposé. « Quiconque livre ou offre à autrui des drogues sans rémunération en vue de leur consommation dans des circonstances autres que celles permises par la loi sera puni des peines maximales mentionnées ci-dessus »
La proposition de loi prévoit aussi l’annulation et l’amendement d’autres articles de cette loi, dont les articles 3, 5, 6 et 8 en vue d’assouplir les peines relatives à l’usage personnel, durcir les peines pour les dealers et de prévenir l’addiction à la drogue chez les mineurs.
A cet effet, l’article 18 (nouveau), dispose que « toute personne ayant développé une dépendance et avant que ses actions répréhensibles ne soient dévoilées, peut alors soumettre une demande écrite une seule fois, accompagnée d’un certificat médical attestant de la situation d’addiction, soit de manière autonome, soit par le biais de son conjoint, l’un de ses parents ou enfants, ou encore auprès d’un médecin spécialiste dans un hôpital public».
Si le traitement est refusé, le procureur du ministère public en est avisé et délivre une autorisation du président du Tribunal de Première Instance, ordonnant au condamné de se soumettre au traitement mentionné précédemment. Il est nécessaire d’annexer à la demande d’autorisation un justificatif médical attestant de la dépendance, et l’autorisation doit être octroyée afin d’éviter que le condamné ne soit entendu.
Un nouvel article est ajouté à la loi numéro 52, disposant que toute personne qui, délibérément ou en participant à l’utilisation de moyens médiatiques, de systèmes ou de réseaux de communication pour produire, promouvoir, publier, envoyer ou préparer un contenu audiovisuel visant à encourager, inciter ou appeler à la consommation de substances narcotiques, sera punie d’une peine d’emprisonnement de cinq ans et d’une amende de cinquante mille dollars.
De la relative flexibilité à l’égard des petits consommateurs au durcissement des peines pour les dealers, l’initiative parlementaire tend aussi à protéger ceux qui sont en première ligne de lutte en les dotant des technologies modernes pour faciliter leurs missions dans le cadre de la lutte contre ces crimes, et notamment à renforcer la prévention des addictions. Il est bien évidemment question aussi de désengorger les prisons et de réduire les peines privatives de liberté. Ils sont nombreux à croupir derrière les barreaux en raison de textes de loi surannés.